Sur le front contre le réchauffement climatique, l’agriculture a sa part de travail à remplir en tant qu’émettrice de CO2. Mais elle fait aussi partie de la solution, notamment grâce au marché des crédits carbone, où elle peut proposer volontairement des mesures limitant l’émission de gaz à effet de serre. Voici comment.
L’enjeu est dans tous les esprits. Depuis l’ère industrielle, les activités humaines ont engendré une augmentation exponentielle de l’émission de gaz à effet de serre (GES). Conséquence: la Terre se réchauffe avec des effets dramatiques à de nombreux égards. Une majorité d’experts s’entendent sur l’urgence de limiter le plus possible le phénomène. Toutes les activités humaines sont concernées, du consommateur au producteur de biens économiques, tel que l’agriculture.
Le rôle de l’agriculture dans la transition climatique
Dans ce contexte, le milieu agricole occupe une place particulière. Certes, il fait partie des émetteurs de CO2 . Par exemple, l’élevage (bovins émettant du méthane en particulier) est responsable d’environ deux tiers des émissions de GES par l’agriculture suisse. A ceci s’ajoutent notamment les émissions liées aux carburants des machines agricoles, à la fabrication d’engrais minéraux, et au cycle de l’azote.
Cependant, les professionnels de la terre peuvent aussi contribuer à capter du carbone dans l’atmosphère pour le stocker dans les sols ou dans la biomasse (par exemple les arbres et les haies). Tout dépend de leurs pratiques. L’épandage d’engrais de ferme, le compostage et les couverts végétaux font notamment partie des pratiques durables qui se popularisent dans le secteur.
Concrètement, L’agriculture a deux moyens d’apporter sa part d’amélioration à la problématique du carbone: réduire ses émissions, et stocker durablement du CO2 dans ses sols.
C’est même le secteur qui a, de loin, le plus gros potentiel, à la fois efficace sur un plan environnemental et économiquement intéressant. Économiquement? Oui, cela reste un des trois piliers de la durabilité, il est donc nécessaire d’envisager comment le monde agricole peut bénéficier de meilleurs revenus. Ainsi, grâce à cette participation à l’effort commun, l’agriculture peut être rémunérée via le système des crédits carbone.
De quoi parle-t-on exactement? Il s’agit en fait d’un marché dont le principe de base est que ceux qui ne réussissent pas à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre liées à leurs activités peuvent compenser en achetant aux bons élèves leur réduction d’émissions. Si l’on simplifie davantage encore, il y a une offre et une demande, génératrices d’un marché, parfois spéculatif.
À la fois émettrice et limitatrice, l’agriculture peut donc bénéficier de deux types de crédits carbone: ceux qui rémunèrent les efforts de réduction et ceux qui valorisent le stockage.
Un système de transactions
Plus précisément, comment est-ce que ça fonctionne? Certains émetteurs, par la Loi sur le CO2, sont obligés de compenser leurs émissions; il s’agit des plus gros pollueurs comme les pétroliers, les cimentiers, l’industrie du verre… Ceux-ci doivent soit payer une taxe, soit racheter des quotas non utilisés à une autre entreprise, ou encore acheter des projets de compensation extérieurs via des attestations. D’autres le font volontairement parce que c’est une exigence qui s’impose vis-à-vis de leur concurrents (c’est le cas de Nestlé par exemple).
Le marché d’acquisition de crédits carbone est ouvert à des porteurs de projets volontaires qui proposent des mesures permettant d’éviter l’émission de GES. Ces porteurs de projets peuvent ainsi être issus du milieu agricole. L’acquéreur (l’entreprise) pourra alors comptabiliser ces réductions d’émissions comme s’il s’agissait des siennes. Ces transactions se font via le Registre suisse des échanges de quotas d’émissions, qui est en fait une bourse aux crédits carbone. Pour adhérer au système volontairement, le porteur de projet doit faire un dépôt de projet de réduction des émissions auprès de l’administration fédérale. Il peut ensuite vendre ses attestations CO2 à l’entreprise intéressée. Ce mécanisme peut par exemple s’activer avec des installations d’énergie renouvelable telles que le biogaz, qui permet de transformer le lisier et le fumier en courant et en chaleur grâce à son processus de fermentation.
Ce mécanisme transitoire (encourager les bonnes pratiques en achetant des crédits carbones, c’est mieux que de ne rien faire) permet à l’agriculture de faire les investissements et changements nécessaires pour répondre aux enjeux climatiques et atteindre la neutralité carbone. Le marché des crédits carbone est donc une potentielle source de revenus supplémentaires pour le monde agricole, qui nécessite cependant un encadrement afin d’assurer que les familles paysannes soient bien les bénéficiaires des revenus de ce marché.