Un but louable, mais des moyens à revoir

Un but louable, mais des moyens à revoir
Luc Thomas, Directeur de Prométerre, Association vaudoise de promotion des métiers de la terre

Interview de Luc Thomas, Directeur de Prométerre, l’Association vaudoise de promotion des métiers de la terre.

L’initiative déposée par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États et intitulée «Réduire le risque de l’utilisation de pesticides» a marqué l’actualité agricole de la semaine dernière. Mais elle ne suscite pas l’unanimité. Le directeur de Prométerre, l’Association vaudoise de promotion des métiers de la terre, met le doigt sur plusieurs éléments lacunaires de cette initiative. Interview.

Luc Thomas, deux initiatives populaires outrancières menacent selon vous la sécurité alimentaire?

Avec un retour progressif à la normale à la sortie de la crise sanitaire du Covid-19, les anciennes préoccupations anxiogènes de nos concitoyens réapparaissent dans l’agenda politique. Il en va ainsi des deux initiatives visant la prohibition des produits phytosanitaires agricoles, soumises au peuple au printemps 2021. Excessifs dans leur conception comme dans leur forme et leur calendrier, ces deux textes ne parviendront certainement pas à convaincre une majorité de citoyens raisonnables et prévoyants.

Et pourquoi donc?

Car la première conséquence de leur adoption serait d’affaiblir la sécurité de notre approvisionnement alimentaire, tout en renchérissant l’accès à des biens de première nécessité.

Ces initiatives tentent pourtant de résoudre des problèmes environnementaux?

Nous en sommes conscients. Mais la branche agricole en général et Prométerre en particulier estiment important de trouver une voie raisonnable et praticable qui implique tous les utilisateurs de pesticides. Accabler exclusivement la fraction minoritaire de la population que constitue l’agriculture n’a aucun sens. Cela ne contribuerait d’ailleurs que marginalement à améliorer la situation décriée, les usages strictement agricoles n’étant responsables que d’une petite partie des impacts de la chimie dans l’environnement.

Vous n’hésitez pas à évoquer un «enfer pavé de bonnes intentions»?

C’est effectivement le terme. Le but de l’initiative parlementaire – mettre en œuvre une trajectoire légale de réduction des risques liés à l’utilisation de «pesticides» – est incontestable. Sa conception de base – élargir la trajectoire de réduction à tous les produits induisant des risques, tous produits biocides et phytosanitaires confondus – est tout aussi louable. La solution proposée manque cependant d’ambition.

Que lui reprochez-vous, concrètement?

Elle oublie toute une série de produits dont les résidus sont pourtant très présents dans les eaux, en premier lieu les médicaments. Elle perpétue un profond déséquilibre d’intervention puisque seuls les produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture font l’objet, dans la loi proposée, d’objectifs de réduction. Or la politique agricole réglemente déjà en détails les usages agricoles professionnels de «pesticides». De plus, la mise en œuvre proposée serait à la charge quasi exclusive de malnommées «interprofessions» qui sont dépourvues de tous moyens d’action efficaces.

L’heure est donc grave, à vous comprendre?

Oui! Car cela constitue une démission inacceptable de la responsabilité de l’État dans un domaine scientifique aussi complexe que controversé. Cette forme de lâcheté institutionnelle, face à une problématique qui concerne toute la société et l’économie, est aussi l’assurance de ne pas parvenir à résoudre l’équation d’un développement durable en la matière.

Que propose dès lors Prométerre pour prêcher dans le vrai?

Les milieux agricoles demandent au Parlement de corriger le projet mis en consultation. D’une part en fixant des objectifs mesurables et contraignants pour tous les produits biocides, pas seulement pour les produits phytosanitaires. Et d’autre part en confiant la responsabilité de sa mise en œuvre à l’État et à son administration, les professions concernées ne disposant ni de la force publique, ni des compétences scientifiques, ni de moyens de contrainte permettant d’espérer atteindre les buts visés.

Propos recueillis par Agence d’information agricole romande (AGIR)

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