Sols «détruits», aliments «empoisonnés», eaux «toxiques»: que n’a-t-on pas entendu sur le glyphosate et le chlorothalonil… Essayons de replacer ces deux produits phytosanitaires dans le bon contexte.
Le glyphosate, utile à la conservation des sols
Le glyphosate est un herbicide qui fane les végétaux. Il a une vie courte dans le sol. En Suisse, il n’entre jamais en contact direct avec la plante cultivée et ne sert qu’à éliminer les adventices («mauvaises herbes») qui freinent ou empêchent le bon développement des cultures.
Sans glyphosate, la préparation du sol, indispensable pour la mise en place des cultures, se ferait presque toujours mécaniquement (labour avant semis par exemple). Cette méthode fait certes l’économie d’un produit phytosanitaire, mais peut engendrer un tassement et une déstructuration du sol, accentuant l’érosion, avec utilisation supplémentaire de carburant. C’est pourquoi le glyphosate fait partie des composantes essentielles de l’agriculture dite de conservation, dont le but premier est de préserver les sols.
Les agences de santé (Suisse, Europe, États-Unis, etc.) classent le glyphosate comme inoffensif pour l’homme. Une seule agence de l’OMS le considère comme «cancérogène probable», dans la même catégorie que la viande rouge… et l’eau chaude. Pourquoi dès lors cet herbicide est-il tant critiqué? Un des fabricants de produit à base de cette substance a créé un organisme génétiquement modifié (OGM) résistant au glyphosate et permettant ainsi le désherbage aussi lorsque la plante cultivée a poussé: une pratique interdite en Suisse. Reste que l’association entre OGM et glyphosate a favorisé la diabolisation de ce produit.
Le chlorothalonil a une limite de détection mal comprise
Ces derniers temps, des communes se sont inquiétées de retrouver dans leurs eaux des traces de chlorothalonil. Chlorothalonil? Il s’agit d’un produit phytosanitaire fongicide récemment interdit après avoir été utilisé durant près de 50 ans en Europe et en Suisse. Il permettait de protéger la vigne, ainsi que les cultures de pommes de terre, céréales ou légumes des attaques de champignons.
Si certains ont donné l’alerte, c’est que la proportion décelée dépassait par endroits le seuil de 0,1 microgramme par litre d’eau. Cette limite a été fixée arbitrairement pour tous les pesticides à une époque où les analyses ne pouvaient déceler de trace au-delà. Elle n’a rien à voir avec la toxicité et sert d’indicateur de la présence du chlorothalonil pour prendre des mesures afin de la réduire. Aujourd’hui la technologie permet de détecter des traces dans des proportions encore plus infinitésimales. Mais ce n’est donc pas parce que la limite légale est dépassée que c’est dangereux pour la santé. Pour atteindre la dose journalière critique, il faudrait boire quotidiennement quelque 80 baignoires d’eau (10’000 litres).
Les agriculteurs ne sont pas des empoisonneurs
Les professionnels de la terre sont des personnes responsables qui tiennent à la santé de la population, de leur sol (on ne détruit pas son outil de travail!) et des eaux de surface et souterraines. Ils utilisent des produits homologués par l’État, de manière parcimonieuse, car ils coûtent cher. Sans dépendance aux fabricants, ils sont formés pour jauger lorsque, pour protéger une plante, il n’y a pas d’autre solution que de la traiter avec un produit, si possible naturel, et toujours appliqué de manière ciblée.
Certains colportent des contre-vérités ou altèrent la réalité du terrain pour entretenir des craintes infondées ou disproportionnées parmi les citoyens. Or, l’objectif des familles paysannes suisses est de nourrir la population avec des aliments sains, de qualité et de proximité. Elles ont toujours plaisir à expliquer leurs pratiques à ceux qui prennent le temps de les écouter et de comprendre la réalité de leur travail. Car l’appréciation des pratiques agricoles ne peut se résumer à des visions dogmatiques et manichéennes. L’agriculture évolue en permanence avec les progrès de la recherche et les expériences sur le terrain.